mercredi 30 septembre 2009

Quand la technocratie gère la vie quotidienne des franciliens, que devient la citoyenneté ?

Et si pour une fois les élections régionales étaient l’occasion rêvée pour que la gauche francilienne innove et bouscule les vieilles habitudes mortifères. Et si pour une fois au lieu de jouer le rôle de la citadelle assiégée, la gauche francilienne sortait de son enlisement institutionnel et posait comme engagement concret la dissolution des syndicats intercommunaux. Monstres technocratiques, aux mains des accords d’appareils, gérant une partie de nos vies quotidiennes et dont une majorité de l’intelligencia politique s’efforce constamment de nous en détourner le regard.

Parce qu’aujourd’hui notre regard porte sur le devenir de la métropole parisienne qui se décide. Un texte de loi est en préparation. Une société du Grand Paris va être créée. L’Etat sera aux commandes et tant pis pour la décentralisation et l’autonomie des collectivités locales. Après tout, quelles innovations et quels rapports de force ont porté collectivement ces dernières pour imposer un autre choix ? A part des déclarations à gauche pour indiquer les désaccords sur ce projet, les propositions ont été très peu visibles et souvent portés par des élus autonomes et francs tireurs.

Demain, les collectivités vont devoir dialoguer avec une superstructure toute puissante qui confiera la réalisation des grands projets au secteur marchand réduisant un peu plus les capacités de l’intervention publique. Elles seront sans doute dépendantes des choix de cette société du Grand Paris qui décidera des financements et donc des priorités. Leurs élus se verront ainsi confisquer une part de leur responsabilité confiées par le suffrage universel.

Peut-on donner tord à l’Etat de vouloir reprendre la main lorsque les problématiques aussi lourdes que celles de transports, de logements, d’urbanismes, persistent depuis des décennies sans que se dessinent de véritables solutions. A défaut d’avoir vu émerger un nouvel espace de gouvernance démocratique adaptée à l’échelle de la métropole parisienne, l’Etat dispose lui, de tout l’espace pour pallier autoritairement aux insuffisances qui plombent la vie des franciliens.

Après tout, loin de constituer un bouleversement idéologique, la création d’une structure de type établissement public pour le grand Paris est dans la droite ligne d’une tradition francilienne bien ancrée et fidèlement perpétuée par toute une génération d’élus de droite comme de gauche. Aujourd’hui l’empilement de ces superstructures publiques tend à concentrer aux mains des intérêts privés et d’une technocratie toute puissante quelques uns des enjeux de notre métropole. Alors aucune raison de s’inquiéter si les produits bio sont si peu intégrés dans la restauration scolaire. Si l’accès à la géothermie tend à être inégalitaire sur le territoire. Si le tri et le traitement des ordures ménagères sont si peu adaptés aux logements collectifs. Si certaines opérations d’aménagements prévoient plus de construction de bureaux que de logements sociaux parce que plus rentables. Si le prix de l’eau augmente. Si les réseaux de transports en commun ne desservent pas certains quartiers, certaines villes.

Ce n’est pas une logique d’intérêt général qui l’emporte mais une logique gestionnaire qui dicte ses choix et qui renforce l’idée que la responsabilité politique est impuissante à régler les problèmes de la vie quotidienne et impuissante à anticiper les enjeux de demain.

Ces mastodontes que sont les syndicats intercommunaux influent considérablement sur nos modes de vie. Pourtant leurs capacités à prendre en compte nos besoins, nos attentes ou tout simplement à intégrer les évolutions de ces modes de vie sont réduites : nous sommes prêts à mieux trier nos déchets et à contribuer à ce qu’ils soient mieux traités, nous sommes prêts à moins utiliser notre voiture pour des transports en commun efficaces, nous souhaitons avoir accès à des énergies renouvelables pour notre consommation personnelle, nous voulons que les constructions neuves soient plus écologiques…Les mastodontes eux ne le sont pas. Qui sait qu’en dépit du Grenelle de l’environnement qui est loin d’être la panacée, ce sont encore 70% des ordures ménagères qui sont brûlées en Île-de-France ?

Il y a longtemps en fait qu’une majorité de collectivités locales et territoriales d’Ile-de-France ont confié à ces établissements publics la gestion d’un certain nombre d’activités. Ils se découpent en deux catégories : ceux qui gèrent les grands services publics liées à l’urbanisation et ceux qui gèrent en externalisation lorsque les villes ne peuvent le faire de manière autonome. Ils n’en restent tous dans leur ensemble extrêmement structurants et essentiels à notre vie quotidienne : la distribution et le traitement de l’eau potable (SEDIF), l’assainissement (SIAAP), les réseaux de communication et d’électricité (SIPPEREC) , le fonctionnement du réseau de transport en commun (STIF), la restauration scolaire (SIRESCO), la gestion du foncier (EPFR), la géothermie, l’aménagement de grands projets urbains (SADEV), le gestion des systèmes informatiques des collectivités, la collecte et le traitement des déchets (SYCTOM), l’éclairage publique…...

Motivés par le besoin de mutualiser des gestions trop lourdes et trop couteuses, les syndicats à l’échelle de la métropole parisienne sont petit à petit devenus les sous-traitants de l’action publique de proximité. Réunissant parfois des centaines de collectivités, disposant de financements conséquents et d’une capacité d’action importante. Passant des marchés de millions d’euros avec des multinationales dans des rapports de quasi-monopole et dépendances. Le tout assis sur la fiscalité locale.

Il est cependant assez préoccupant de constater qu’hormis un nombre réduit de citoyens avertis, très peu de franciliens ont connaissance non seulement de ces structures mais également de leur poids et de leur fonctionnement. Très peu de franciliens savent comment se prennent les décisions dans ces espaces où la règle de la représentation passe essentiellement par les élus locaux.

On peut rétorquer que ces syndicats remplissent des missions indispensables et que les élus qui siègent en leurs seins sont garants du respect des règles démocratique et d’une certaine transparence. Ils sont également garant du respect d’une forme déguisée de cumul des mandats puisque très souvent le droit de siéger dans ces instances syndicales leur donne droit à quelques indemnités non négligeables. Ils sont également garants d’un véritable déni démocratique puisque les décisions qu’ils prennent le sont en dehors des citoyens en faveur d’arrangements entre appareils politique. Ils sont enfin également garant de l’art de cultiver le plus petit dénominateur commun droite-gauche sur fond de gestion peu transparente des grands intérêts financiers mis en jeu par ces super structures. Les élus qui ne sont pas sous la tutelle des consignes des partis y sont contraints de se plier à l’art de la grande solitude.

En acceptant de renoncer à assumer directement certaines de leurs compétences, en confiant des activités essentielles à la seule logique technocratique et en ne posant pas le cadre d’un véritable contrôle citoyen, une bonne partie des élus de gauche de notre métropole ont finalement encouragé le retour autoritaire de l’Etat. Le terrain avait été bien préparé en somme. Difficile aujourd’hui de défendre la clause de compétences générales et les acquis de la décentralisation.

Et si finalement ces syndicats n’étaient-ils pas la meilleure preuve de l’épuisement de l’organisation institutionnelle de notre métropole, du besoin d’une nouvelle donne démocratique. Ils ont en quelque sorte préfigurée la nécessité d’une nouvelle organisation institutionnelle à la hauteur de la métropole parisienne. Une assemblée démocratiquement élue au suffrage universel, responsable et décisionnelle au nom des citoyennes et des citoyens composée d’élus qui puissent être directement interpellé par eux au même titre qu’un maire ou un député. Ce serait sans doute un progrès démocratique pour construire une métropole solidaire et citoyenne.


Rosandre Valleray
Co-présidente de Gauche Citoyenne
Conseillère municipale de Villeneuve-le-Roi

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